Physiquement, appelons un crapeau un crapeau, Jean-Paul est moche. Avec son oeil droit rivé nord-ouest, l’autre sud-est, sa taille de nabot et sa voix nasillarde, on se demande ce qu’elle a pû lui trouver, La Simone! Sûrement plus que du « Q « ! En même temps, ce n’est pas n’importe qui ce Jean-Paul. Faut croire que dans son cas, la vie a fait un geste commercial puisqu’il s’en sort avec “La Nausée” et “Les Mains Sales”. Bref, j’imagine qu’il lui flattait plutôt le « Q I » à La Simone…
Celà-dit, on est comme on est, et avec tous ces “moches” ventripotents qui grouillent de partout, je n’aurais probablement pas relevé le physique disgrâcieux de JP si sa propre mère, elle même, n’avait pas fait une fixette sur la laideur de son fils. Lisez “Les Mots”, l’autobio de JP Sartre et vous verrez qu’il y a de quoi en revenir traumatisé. Avant de lire ce bouquin, je pensais naïvement que tous les enfants étaient les plus beaux ; du moins aux yeux de leur mère. Je me suis donc pris comme un coup de bambou sur la tête, l’idée que je n’étais pas à l’abri de trouver à ma progéniture, tout au plus la beauté du pire tableau d’art contemporain. Du coup, tout le temps de ma grossesse, j’ai flippé. Flippé de perdre la chair de ma chair bien sûr, flippé pour sa santé, mais honte à moi, flippé qu’à l’arrivée, sa tête ne me revienne pas. Je vous rassure tout de suite, depuis, j’ai donné naissance au petit bout le plus craquant de la création, en tout cas, de mon point de vue, mais bon sang j’ai flippé…!
D’autant qu’ entre nous, franchement, avec ou sans forceps, même flambant neuf, le faciès du nouveau-né tient plus du bouddha bourré que de Brad Pitt, non? Faut vraiment être défoncée à l’ocytocine et à la prolactine, pour s’extasier comme peut le faire une mère à la vue de cette “beauté” très relative. D’ailleurs, au risque de vous choquer, si je devais comparer “mon petit amour” à sa naissance, écrasé contre mon sein, tout juste capable d’esquisser un sourire sans dents, avec mon chat ou le chien du voisin à leur naissance, y’a pas photo! C’est clair que les humains arrivent au monde un peu pas finis, pour ne pas dire avec tout à faire ! C’est vrai quoi, à peine sorti du ventre de sa mère, mon chat, lui, avait déjà des dents et pouvait déambuler presque aussi bien que n’importe quel vieux matou. En revanche, il s’en est passé du temps avant que mon fils morde dans un steack et se déplace sur ses deux jambes.
Vous vous demandez peut-être où je veux en venir? Je vous épargne plus longtemps le suspense : imaginez qu’ entre cet être si vulnérable et sa mère, la rencontre se passe mal, qu’elle le trouve moche, trop envahissant, ou pas assez de tout et n’importe quoi, qu’elle ne pense qu’à s’en défaire, sur e-bay ou ailleurs, qu’elle le maltraite, qu’elle le plante comme une vieille chaussette… A votre avis, ce petit être tient combien de temps? Deux jours? Trois? Y’a pas à tortiller, de tout le règne animal, on est quand même, à la naissance, les plus incompétents en matière de survie.
Trêve de plaisanterie! À la naissance, notre survie et notre bien-être dépendent essentiellement de notre mère ou de celui ou celle qui en tient le rôle. En astrologie, notre mère et l’expérience que nous avons vécue avec elle est symbolisée par la Lune. Notre mère n’est pas seulement notre mère. Elle est également le premier amour de notre vie. Et ce qui s’est produit à l’époque va continuer à influencer nos relations tout au long de notre existence.
Alors évidemment, celui qui hérite d’une mère qui déteste les enfants, d’une mère capable de l’ oublier dans une poubelle ; et là, je parle des cas les plus extrêmes, on peut parier qu’il va caler au démarrage. Mais même la mère “toxique” façon classique peut vous tricoter une névrose bien ficelée. Dans ce cas, à l’âge adulte, vous irez vers les autres, vers l’amour et vers la vie à reculons, en traînant des pieds ; une sorte de “moonwalk chronique” !!!
Le corps de ma mère repose depuis longtemps au chaud de la terre, mais au fond, je ne l’ai pas perdue. Parce qu’ au tout début de ma vie, ce moment où ma perception du monde entier se résumait à maman, elle a su prendre soin de moi. Quand j’étais fragile et sans défense, elle m’a protégée, elle m’a nourrie… “amoureusement”. Grâce à sa présence bienveillante, j’ai connu cette félicité, cette symbiose, ce cocon hors du temps. Je ne m’en souviens pas consciemment, mais toutes mes cellules, elles, s’en souviennent. Chaque cellule de mon corps a enregistré cette bienveillance du monde à mon égard. Et c’est ainsi que malgré les épreuves, j’ai pu grandir et devenir une femme qui fait confiance à la vie. Mais qu’en serait-il advenue de moi si je n’avais pas été désirée? Si dans ses bras, j’avais ressenti le rejet, le dégoût, les regrets? Si elle m’avait abandonnée?
Je suis toujours très triste quand je pense à tous ceux qui n’ont pas eu ma chance. Beaucoup de mes clients qui n’ont pas connu cet amour auquel ils avaient droit ne se sentent pas “aimables” et sont effrayés à l’idée de compter sur l’amour des autres. Je voudrais leur dire qu’on peut, heureusement, travailler sur cette “blessure”. On peut en guérir ou du moins l’adoucir… J’en vois la preuve tous les jours.
Annick Ajolet
Astrologue Artisan