
MON FIL DES JOURS
-page 9-
ENFANCE
Il faut croire qu’on était pauvre, puisque j’ai grandi dans un HLM à Aubervilliers (le neuf trois pour les intimes) ; et qu’à sept ans, je partageais encore une chambre avec mon frère et mes parents. Même Laura et Marie Ingalls avaient une piaule bien à elles. Alors La petite maison dans la prairie, à côté de mon enfance, c’est de la rigolade. J’étais pauvre à en avoir honte, mais je me souviens aujourd’hui avec fierté le leitmotiv de mes parents : “Mieux vaut une chaumière où l’on rit, qu’un château où l’on pleure”.
Jusqu’à mes sept ans donc, des vacances, je n’avais connu qu’Aubervilliers en été. C’était chaud, c’était lourd, c’était chiant. Autant dire que je séchais sur pied. Mais cette année-là, grâce aux congés bonifiés, papa, maman, mon frère et moi allions enfin prendre le large. Pour la première fois, j’allais rencontrer ma famille des Antilles. Mes parents étaient fous de joie. “Tu vas voir comme tout est beau là-bas!” me disaient-ils. C’est marrant comme tout est relatif. Moi, j’ai trouvé l’endroit hyper glauque. Entre la bamboula des crapauds dans la cour, la surboum des chauves-souris sur le toit, les cafards grouillant de partout, les araignées géantes… à la nuit tombée, pour réussir à m’endormir, il m’aurait fallu avaler un tonneau de rhum pour oublier qu’à moins d’un mètre de moi, il se passait des choses affreuses.
Bref, au bout d’une journée de bestioles, d’évacuations nauséabondes, de caniveaux boueux et de présentations interminables, le bitume sur fond de klaxons me manquait déjà. Au bout d’une semaine, j’aurais pu me jeter sous les roues d’un tracteur. Et pour tout dire, il m’aura fallu des années pour m’en remettre.
Mais bon, il fallait tenir deux mois. Alors jour après jour, j’essayais de trouver mes marques en me répétant que la plage, le soleil et le bleu du ciel suffisaient pour passer les vacances idéales…
Un jour où je m’étais mise en mode spectatrice, j’observais ma famille réunie chez mamie autour d’une indécente concentration d’acras, de boudins et de bouteilles de rhum. La petite sauterie ne pouvait pas s’annoncer mieux. Les heures qui ont suivi, tout ce petit monde rigolait en racontant des conneries. C’est alors, qu’assise depuis des lustres sur un des ces canapé conçu par un sodomite, la réalité a commencé à gondoler. J’ai du m’accrocher à tout ce qu’il restait de solide en moi pour ne pas m’évanouir ; mais j’ai bien cru que je ne verrais pas la fin du film. Car tout à coup, je me suis sentie comme prisonnière de mon corps ; fourrée dans ma peau comme une saucisse dans un hot-dog. Mes yeux étaient devenus des fenêtres à travers lesquelles je pouvais voir ma famille. Famille qui subitement n’était plus ma famille. À moi qui n’était plus Annick. J’étais devenue “celle qui voyait” sans savoir précisément qui était celle qui regardait du dedans de moi. Le temps d’une fulgurance, “JE” savais et “JE” sentais que ce “JE” n’avais pas sept ans. Ce “JE” piégé dans mon corps avait des milliers, peut-être même des millions d’années….
A suivre
Annick Ajolet
Astrologue Artisan
Mercredi, mars 25th 2015 at 3:15
Tout comme Purplereine, j’ai envie de vite lire la suite… Encore !!!
Jeudi, mars 12th 2015 at 2:09
ouh la Karaba sors de ce corps !
c’est comme un roman ou une sitcom l’histoire de ta vie, on a envie de savoir la suite…
moi j’suis accro